Le Seigneur ton Dieu est un feu
consumant, un Dieu jaloux.
Deut. 4. 24
Un Dieu jaloux ! Quand nous entendons cette
parole, nous la classons vite parmi les notions
périmées que les Juifs avaient de
Dieu. Nous n'en sommes plus là heureusement
depuis Jésus-Christ ! Nous sommes
maintenant délivrés de ce Dieu
barbare de l'Ancien Testament. Quel chrétien
aujourd'hui songe à la jalousie de Dieu pour
la craindre ? C'est peut-être
déjà le raisonnement que tenaient les
croyants auxquels écrivait l'auteur de
l'épître aux Hébreux, puisqu'il
est obligé de leur rappeler :
« Notre Dieu est aussi un feu
consumant. » Notre Dieu est aussi jaloux
que celui de Moïse. Le Père de notre
Seigneur Jésus-Christ n'est pas un autre
Dieu que celui du Sinaï. Jésus-Christ
n'est pas plus disposé à nous
partager avec un autre que Yaveh de donner sa
gloire à une idole et de collaborer avec
Baal. Non seulement la jalousie de Dieu n'est pas
une notion juive abolie par la nouvelle alliance,
mais c'est au contraire en Jésus-Christ que
nous comprenons la réalité, le sens
et le bienfait de cette jalousie. Le vrai Dieu
jaloux, c'est celui-là même qui a tant
aimé le monde qu'il a donné son Fils
unique.
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Une remarque encore. Dans le langage
courant, nous confondons souvent les mots de
jalousie et d'envie. Nous disons d'une personne
qu'elle est jalouse de sa voisine parce que cette
voisine possède plus d'argent qu'elle. Or,
c'est là un sentiment d'envie et nullement
de jalousie. Et il va sans dire que la jalousie
dont parle notre texte n'a jamais le sens d'envie,
mais doit être comprise dans son sens le plus
strict ; c'est le sentiment d'un homme pour la
femme qu'il aime, quand cette femme appartient
à un autre, ou partage son amour avec un
autre.
Écoutons maintenant ce que signifie
pour nous, dans notre vie, la jalousie de Dieu. Il
n'y a guère dans la Bible d'expression plus
littéralement saisissante et qui exprime
mieux à elle seule toute l'attitude de Dieu
à notre égard.
« Je t'ai aimée d'un amour
éternel - Dieu a fait éclater son
amour envers nous - Il nous a aimé le
premier. » Ainsi, page après page,
revient dans la Bible, la grande déclaration
qui est le premier et le dernier mot de la
Révélation, le fond de toutes choses,
la raison dernière de notre existence et de
notre salut : Dieu est amour. Il faut
comprendre que cette déclaration est
vraiment le premier et le dernier mot de la Bible.
Quoi qu'elle nous dise, la Bible ne nous dit jamais
rien d'autre que : Dieu est amour ; et
elle n'a rien à nous annoncer de plus que
l'amour de Dieu, c'est-à-dire de plus que
Jésus-Christ. Seulement si la Bible ne nous
dit que l'amour de Dieu, elle nous dit tout l'amour
de Dieu, tous les aspects, toute la portée
de cet amour. Et nous sommes si loin d'en savoir la
gravité. Nous en avons fait, dans l'Eglise
en particulier, je ne sais quelle
réalité sirupeuse et adoucissante et
quel refrain inopérant. Il est grand temps
que nous prenions garde
à
ce que Moïse aujourd'hui nous déclare
de cet amour.
« L'Éternel ton Dieu est un
feu consumant, un Dieu jaloux. » Est-ce
donc une autre parole que celle que le Seigneur
adresse à Jérusalem. « Je
t'ai aimée d'un amour
éternel ? » Non pas. Ce ne
sont pas là deux paroles, c'est la
même parole. C'est l'autre aspect de la
même Parole, l'envers du même
message.
Qu'est-ce en effet que la jalousie ? Je
ne puis la définir plus simplement que par
l'exigence même de l'amour. Sans cette
exigence, l'amour n'existe pas, l'amour n'est
qu'indifférence. Un homme qui consent
à ce que sa femme appartienne à un
autre n'aime pas sa femme. S'il l'abandonne
à un autre, s'il la partage, l'amour qu'il
prétendait avoir pour elle n'était en
réalité que de l'indifférence.
C'est ainsi qu'une femme infidèle devra
craindre son mari dans la mesure où elle se
saura aimée par lui, alors qu'elle n'aura
rien à craindre si elle se sait
indifférente à son époux.
C'est là ce que Moïse veut,
aujourd'hui, nous rappeler :
« Prenez garde, l'amour de Dieu est
dangereux, parce qu'il est un véritable
amour et non pas une indifférence, il est un
amour éternel, insondable, absolu, et non
pas une inclination passagère.
Le Seigneur ton Dieu est un Dieu jaloux,
parce qu'il t'aime vraiment, parce qu'il est
vraiment amour. » Ainsi la jalousie de
Dieu (ou sa colère) n'est pas une
restriction, une diminution de son amour, elle en
est la réalité même. Parce
qu'Il t'aime absolument, Dieu te veut absolument,
Dieu t'exige exclusivement. Et c'est au contraire
toute diminution de son exigence, tout apaisement
de sa jalousie qui signifierait une diminution de
son amour, toute restriction de la Loi qui serait
une restriction de l'Évangile. Ici nous
sommes vraiment au coeur de la Parole de Dieu, et
nous comprenons
pourquoi elle est
toujours Loi en même temps
qu'Évangile, volonté en même
temps que don. Car, encore une fois (et je reviens
toujours à cette image parce qu'elle est
courante dans la Bible, et que personne ne peut
dire qu'il ne la comprend pas), comment un homme
peut-il aimer une femme et se donner à elle,
sans vouloir cette femme, et sans la vouloir tout
entière. Un véritable amour est celui
qui donne tout, mais aussi demande tout, qui dit
aussi bien : « Tu es à
moi », que : « Je suis
à toi » ! C'est ainsi que
Dieu en nous donnant tout, en se donnant
Lui-même (et c'est là
Jésus-Christ, c'est là son amour,
c'est là l'Évangile), Dieu nous
demande tout, il nous veut nous-mêmes (et
c'est là sa jalousie, c'est là sa
Loi).
La Loi n'est donc pas autre chose que
l'Évangile, pas plus que la jalousie n'est
autre chose que l'amour. La Loi et
l'Évangile sont liée comme la
jalousie et l'amour. Cette Loi « Tu
n'auras pas d'autres dieux » n'est que
l'exigence de l'Évangile, la
véritable signification de
l'Évangile. Sans la Loi, l'Évangile
n'est plus l'Évangile, de même que
sans jalousie, sans exclusivisme, l'amour n'est
plus l'amour. Parce que l'Évangile est
absolu, la Loi est absolue. Parce qu'il n'y a dans
l'amour de Dieu aucune réserve, aucun atome
d'indifférence, parce qu'en
Jésus-Christ, Dieu s'est donné
Lui-même, comment supporterait-il de notre
part la moindre réserve, comment ne nous
demanderait-il pas nous-mêmes avec tout notre
coeur, toute notre force et toute notre
pensée ? À quoi d'ailleurs
pouvons-nous reconnaître l'amour de Dieu,
dans notre vie quotidienne, sinon à sa
jalousie, sinon à ce qu'Il exige de nous
à chaque instant ? « Le
Saint-Esprit que Dieu a fait habiter en nous, nous
réclame avec jalousie », dit
l'apôtre Jacques. La mesure présente
de son amour à chaque
pas
de ma journée, ce ne sont pas les belles
idées que j'en puis avoir, c'est l'absolu de
sa volonté, c'est cette réclamation
jalouse du Saint-Esprit : « Soyez
miséricordieux, comme je suis
miséricordieux »,
« Aimez-vous comme je vous ai
aimés ». La marque de la
présence du Saint-Esprit dans notre vie,
c'est notre soumission totale à la
volonté de notre Sauveur, de sorte que son
amour signifie pour nous actuellement la
nécessité d'être coûte
que coûte au rendez-vous qu'il nous assigne,
la nécessité de le suivre quelles que
soient nos autres occupations importantes, un boeuf
à vendre, un voyage de noces à faire,
un père à enterrer, un regard
à jeter en arrière en tenant la
charrue (vous connaissez la liste des excuses que
donnent les invités au festin des noces).
L'amour de Dieu ne tolère pas d'excuses, ne
peut pas en tolérer ; car il ne serait
plus alors qu'un demi-amour, il cesserait
d'être l'amour éternel, l'amour
absolu. C'est dans cette connaissance que
Josué déclare au peuple
d'Israël : « Vous n'aurez pas
la force de servir le Seigneur, car c'est un Dieu
jaloux », et que Paul demande aux
Corinthiens :
« Voulons-nous provoquer la
jalousie du Seigneur ? »
Si la jalousie est l'exigence de l'amour, il
faut bien voir aussi qu'elle est le danger de
l'amour, le risque de l'amour. L'amour ne serait
plus l'amour, mais bien une contrainte automatique,
s'il ne comportait pas ce risque, cette
possibilité de perdre au lieu de sauver.
Nous ne servirions pas par amour le Dieu d'amour si
nous ne courions pas le risque à tout moment
« d'enflammer sa jalousie », si
nous n'en connaissions pas la menace. Les pierres
et les plantes qui obéissent
aux lois de la nature ne
connaissent pas le risque de l'amour : ce sont
des pierres et des plantes, mais le croyant, le
nouvel homme créé en
Jésus-Christ à l'image de Dieu, cet
homme-là court en chacun de ses gestes le
risque de l'amour, le risque définitif de la
jalousie du Seigneur. Il n'y aurait pas de risque,
si Dieu n'était pas amour ; il n'y
aurait qu'à suivre le train de ce monde. Il
n'y aurait jamais de décision à
prendre, de choix qui nous engagerait. Tous les
arrangements, toutes les excuses, tous les partages
seraient possibles. Mais notre existence ne serait
pas différente de celle d'une locomotive, ou
d'une ardoise pour qui il n'y a évidemment
pas de risque, pas de choix, pas d'enfer et pas de
paradis.
L'amour de Dieu est un véritable
risque. Cela veut dire qu'on ne plaisante pas avec
lui, cela veut dire que cet amour si nous ne lui
répondons pas, nous perd au lieu de nous
sauver. II est inutile ici de chercher à se
rassurer en se répétant que Dieu est
amour, puisque justement là est le danger,
le sérieux de notre situation.
L'Écriture est formelle. L'Apocalypse parle
de la colère de l'Agneau, de l'Agneau de
Dieu qui ôte le péché du monde,
de l'Agneau qui est l'expression unique et parfaite
de l'amour éternel de Dieu ;
colère qui n'est donc pas autre chose que
l'amour, mais qui est cet amour même pour
celui qui s'y soustrait et demeure dans
l'incrédulité. Il ne fait pas bon se
tenir en dehors de l'amour de celui qui nous aime,
car si l'amour de Dieu est à
l'intérieur douceur et tendresse infinies,
à l'extérieur il est une flamme
dévorante ; s'il est pour le croyant,
pour celui qui se tient dans cet amour, vie
éternelle, il est pour l'incroyant, pour
celui qui se tient hors de cet amour, mort
éternelle. La colère de l'Agneau
n'est pas un jeu.
La jalousie de
Dieu est
aussi réelle, aussi éternelle que son
amour. Il n'y a de salut possible par l'amour de
Dieu que s'il y a une perdition possible par la
jalousie de Dieu. Autrement tout sombre dans
l'indifférence, dans la neutralité,
dans l'athéisme. Notre vie perd toute
espèce de sérieux. Il revient au
même de croire ou de ne pas croire,
d'être un homme ou un caillou. C'est pourquoi
plusieurs Pères de l'Eglise et Luther ont eu
raison de noter que l'enfer était aussi
plein de l'amour de Dieu que le paradis. Tout ce
qui existe, dans le temps et dans
l'éternité, est à jamais
soutenu et rempli par l'amour de Dieu. Satan
lui-même en est enveloppé, et c'est
là, oui, c'est là justement son
supplice, d'être consumé par l'amour
qu'il refuse et de n'en connaître ainsi que
la jalousie, le feu dévorant. L'amour ne
peut que perdre ce qui n'est pas amour. Il ne
règne pas en enfer une autre loi que dans le
paradis. Rien jamais n'échappe à
Celui qui est amour. Mais l'amour éternel
est la perdition éternelle de ceux qui le
refusent. Si nous répétons
souvent : « Dieu qui est amour ne
peut tout de même pas perdre
éternellement des hommes », nous
ne savons pas de quoi nous parlons, puisque la
souffrance des damnés, c'est justement que
Dieu soit amour, puisque l'indifférence de
Dieu pourrait seule les mettre à l'aise,
puisque leur malheur, c'est d'être
consumés par la jalousie de
l'Éternel. Quand par sentimentalisme, nous
nous plaignons de la jalousie de Dieu, quand nous
refusons de courir le risque de son amour et
d'admettre la possibilité de la perdition,
ne sommes-nous pas nous-mêmes
déjà comme les démons qui
demandent à Dieu de les laisser tranquilles,
de ne pas être amour, mais
indifférence, et qui crient à
Jésus : « Tu es venu poux
nous perdre ! » N'est-ce pas alors
que la bonne nouvelle de l'amour de Dieu n'est
déjà
plus pour
nous que la mauvaise nouvelle de sa jalousie,
tandis que la « mauvaise
nouvelle » de sa jalousie ne devrait
être pour nous que la bonne nouvelle de son
amour ?
Comprenons-nous la gravité, le
singulier risque qu'il y a à être
aimé de Dieu ? Comprenons-nous
pourquoi, à tant de reprise, Moïse et
les prophètes et les apôtres nous
répètent que notre Seigneur est un
Dieu jaloux ? C'est dire que nul ici
présent, que pas un d'entre nous ne peut
échapper à celui qui nous
déclare : « Je t'ai
aimé d'un amour éternel »,
et que jamais rien au monde ne pourra effacer cette
déclaration qui nous est faite en
Jésus-Christ. Pour l'effacer, il faudrait
que Dieu soit le Dieu des philosophes et des
savants, et non le Dieu d'Abraham, le Dieu de
Moïse et le Dieu de Jérémie.
Nous sommes ici tombés dans les mains de
celui qui est. amour, nous sommes tous devant
l'Agneau de Dieu, tous devant Jésus-Christ.
Il n'y a que Lui, partout.
Toute-puissance lui a été
remise au ciel et sur la terre. Mais alors Lui,
l'Agneau de Dieu, Lui, l'amour de Dieu, sera-t-il
notre salut ou notre perte, notre béatitude
ou notre supplice, telle est en cet instant la
question de notre foi ou de notre
incrédulité. Heureux ceux qui savent
que c'est une chose terrible de tomber dans les
mains de celui qui pardonne. Heureux ceux qui se
laissent dire aujourd'hui : le Seigneur est
jaloux de toi, le Seigneur te veut tout entier.
Ceux-là connaîtront pour
l'éternité et déjà
connaissent la puissance et la douceur de son
amour. Mais malheur à nous si le message de
l'amour éternel de Dieu nous laisse
indifférents, partagés, ou même
nous rassure dans notre égoïsme.
Malheur à nous si ce message n'est pas notre
nouvelle naissance. Car nous
n'empêcherons pas Dieu
d'être amour, et cet amour d'être
l'éternel tourment de notre
égoïsme, le feu qui consumera notre
alliance avec le Prince de ce monde.
Que maintenant donc notre seule consolation,
notre seul espoir, notre seule joie dans la vie et
dans la mort, soit d'appartenir au seul vrai Dieu,
Père, Fils et Saint-Esprit, qui nous aime
éternellement et qui est
éternellement jaloux de nous.
ROLAND DE
PURY
source: .regard.eu.org